Je vous écris du front de la Somme
- Écrit par Marc Web
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Date de parution : 07/09/2022 10.00 € |
Malgré son sursaut aux législatives, la gauche patine. Le constat est posé par François Ruffin, élu dans une région qui vote massivement Rassemblement national (RN). Mais plutôt que de s’en désoler, il en tire les leçons. Il faut aller à « la reconquête de la France des Gilets jaunes, des bourgs, des France périphériques », comme il l’avait dit à Reporterre, mais aussi comprendre pourquoi le RN gagne.
Selon lui, l’extrême droite a su comprendre « dès les années 1990 » l’exigence de protection des classes populaires face à la mondialisation qui délocalise les usines et détruit les emplois stables. Ruffin estime qu’il faut réinvestir le champ du travail, « le travail pour tous. Le travail digne, qui donne une dignité », car « dans la définition de l’identité, dans le regard des autres, le travail demeure central ». Mais il faut aussi articuler cet enjeu à la question centrale de l’inégalité. « Dès que le débat en revient à cette inégalité, à cette immense Inégalité, nous avons des chances de gagner, affirme Ruffin. À vrai dire, ma conviction, c’est que c’est notre seule chance. »
Enfin, il complète le raisonnement avec l’écologie : « Quel est notre horizon commun ? C’est l’impératif écologique. » Il faut « canaliser toutes les énergies du pays, tous les capitaux, tous les savoir-faire, toute la main-d’œuvre, vers un but : une économie de guerre climatique ». Le mot est fort, il se réfère au Roosevelt qui, en 1941, mobilisa en un temps éclair l’énergie des États-Unis. On reboucle avec le travail : « L’économie de guerre climatique réclame du travail, beaucoup de travail. » Dans les champs, si l’on souhaite moins d’intrants, et pour replanter les haies, colmater les canalisations qui fuient, isoler les maisons, et aussi « pour, dans chaque quartier, dans chaque canton, installer un centre de réparations, de tout, de vélos, de téléviseurs, d’ordinateurs, de pantalons, d’automobiles… ». Petit livre, mais forte pensée.
Criminels climatiques
- Écrit par Marc Web
Enquête sur les multinationales qui brûlent notre planète
Cent entreprises sont responsables de 70 % des émissions globales de gaz à effet de serre. Et parmi elles, Aramco, Gazprom et China Energy sont les trois premières multinationales qui régurgitent le plus de CO2 au monde. Inconnues du grand public, elles sont les championnes internationales du pétrole, du gaz et du charbon. Si ce trio était un pays, il incarnerait la troisième nation la plus émettrice, juste derrière la Chine et les États-Unis.
Cette enquête inédite révèle comment ces trois géants industriels déploient tout un arsenal de stratégies redoutables – corruption, néocolonialisme, lobbying, greenwashing, soft power, etc. – pour perpétuer notre addiction au carbone. En continuant coûte que coûte à extraire les ressources des entrailles de la Terre, ils attisent sciemment les flammes qui brûlent notre planète et agissent en criminels climatiques.
Des clubs privés de New York aux couloirs de l’Élysée, des banques de Pékin aux palaces de Riyad, l’auteur dévoile les cercles de pouvoir au coeur de ce capitalisme fossile et la manière dont ces firmes élaborent dans l’ombre une véritable bombe climatique, mettant en péril toute l’humanité.
Alors que la nécessité d’adopter des comportements individuels écoresponsables est sans cesse martelée, ce livre désigne les réels responsables du chaos climatique et montre qu’il est urgent de les mettre définitivement hors d’état de nuire.
Criminels climatiques
Enquête sur les multinationales qui brûlent notre planète
Mickaël Correia
éditions La Découverte, janvier 2022, 188 p.
L'Élysée (et les oligarques) contre l'info
- Écrit par Marc Web
L’Élysée (et les oligarques) contre l’info, de Jean-Baptiste Rivoire,
Fruit d’un travail de trois ans mené au coeur du système médiatique français, cette enquête riche en révélations lève le voile sur les relations sulfureuses entre le pouvoir et les médias. Elle raconte comment, en lien avec les puissants industriels ayant pris le contrôle de la presse, nos trois derniers présidents ont agi au mépris du droit à l’information des citoyens français et des principes démocratiques.
Jean-Baptiste Rivoire dénonce les intrigues de Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron, qui ont usé de leur influence et de leurs liens avec les oligarques que sont Arnaud Lagardère, Vincent Bolloré, Bernard Arnault, Martin Bouygues, Patrick Drahi ou Xavier Niel.
Ces amitiés tissées d’intérêts et de faveurs mutuelles ont souvent nourri un régime de terreur dans certains médias français. Grâce à leur contrôle de l’audiovisuel public et à ces précieux soutiens, nos présidents de la République ont obtenu que soient écartées des enquêtes questionnant leur politique, voire que certains médias deviennent les relais de leur communication, au risque de basculer dans la propagande.
En retour, les locataires de l’Élysée permettent aux oligarques une mainmise toujours plus importante sur les médias français et leur concèdent de nombreux avantages, notamment fiscaux.
Au travers du récit de ces tentatives de bâillonner l’information, sont révélées les méthodes contestables qui incluent l’intimidation, la menace et l’espionnage des journalistes, s’appuyant sur des hommes de l’ombre, organisant des rendez-vous cachés, et mettant à mal le secret des sources, l’indépendance de l’information et la liberté d’expression.
éditions Les liens qui libèrent, janvier 2022, 402 p.
Le bloc Arc en Ciel
- Écrit par Marc Web
Pour une stratégie politique radicale et inclusive
Aurélie TROUVÉ
« La violence première est celle de l’exploitation du travail, de l’impunité des évadés fiscaux ou des agresseurs sexuels, de la répression et des bavures policières » : cette justification de l’autodéfense populaire face aux oppressions n’est pas tirée des écrits du philosophe libertaire Peter Gelderloos (Comment la non-violence protège l’État, Libre), de la philosophe féministe Elsa Dorlin (Se défendre. Une philosophie de la violence, La Découverte) ou d’un quelconque tract anarchiste, mais du Bloc arc-en-ciel, le dernier ouvrage d’Aurélie Trouvé, jusqu’à récemment porte-parole d’Attac France. Certes, l’autrice n’appelle pas explicitement à l’insurrection à venir, mais qualifier « la diversité des formes d’organisation et des tactiques », revendiquée par les mouvements insurrectionnels, d’« atout stratégique majeur », marque un pas qu’Attac n’aurait peut-être pas franchi cinq ou dix ans plus tôt.
Et pour cause. Le paysage politique a radicalement changé durant les années 2010, avec, dans le cas français, une accélération dans la seconde moitié de la décennie. Ce basculement a eu lieu sous les quinquennats de François Hollande et d’Emmanuel Macron. Pour les lecteurs férus d’histoires militantes et révolutionnaires, le livre d’Aurélie Trouvé semblera n’apporter aucun élément neuf sur le sujet. Et pourtant, il témoigne d’un fait historique : l’acceptation par une partie des organisations associatives, syndicales, voire politiques, sous l’autoritarisme présidentiel et les gaz lacrymogènes, de l’idée de la diversité des tactiques.