Il ne sera finalisé que début 2022 mais le nouveau rapport du GIEC suggère qu'il est déjà trop tard pour éviter des conséquences climatiques majeures, tout en laissant un peu d'espoir si des mesures fortes sont prises dès maintenant.
Dans un rapport qui doit être publié en 2022, les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), alertent que la santé humaine serait sous la menace du réchauffement climatique. Mieux, les auteurs du projet de rapport annoncent, pour 2050, voire avant, des effets dévastateurs du dérèglement climatique pour la terre et l’humanité. Même la limitation du réchauffement global à +1,5 °C, fixée comme objectif, aura des conséquences dramatiques pour de nombreuses populations car, elles sont hantées par la pénurie d’eau, les exodes, la malnutrition, l’extinction d’espèces etc.
La vie sur terre telle que nous la connaissons sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt, ont alerté les experts climat de l’ONU dans le projet de rapport.
Quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l’humanité qui en dépend vont s’accélérer, assure le GIEC, et devenir douloureusement palpables bien avant 2050. « La vie sur terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes », note le résumé technique de 137 pages. « L’humanité ne le peut pas », ajoute-t-il.
Le projet de rapport des experts climat de l’ONU obtenu par l’AFP note que beaucoup de ces effets sont déjà inévitables à court terme. Jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires seront menacées par la faim d’ici à 2050, conséquence en cascade de mauvaises récoltes, d’une baisse de la valeur nutritive de certains produits et d’une envolée des prix. « La santé humaine repose sur trois piliers : la nourriture, l’accès à l’eau et le logement. Or ils sont vulnérables et menacent de s’effondrer », analyse Maria Neira, directrice du Département de l’environnement, des changements climatiques et de la santé de l’Organisation mondiale de la Santé.
Le projet de rapport rédigé par des centaines de scientifiques rattachés au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et dont la publication est prévue pour 2022, qui fait autorité en la matière, oscille entre un ton apocalyptique et l’espoir offert aux hommes de changer leur destin par des mesures immédiates et drastiques. Le rapport d’évaluation complet de 4 000 pages, bien plus alarmiste que le précédent de 2014, a pour vocation d’éclairer les décisions politiques. Même si ses principales conclusions ne changeront pas, il ne sera officiellement publié qu’en février 2022, après son approbation par consensus par les 195 États membres. Trop tard cependant pour les cruciales réunions internationales sur le climat et la biodiversité prévues fin 2021, notent certains scientifiques.
Parmi ses conclusions les plus importantes, figure un abaissement du seuil au-delà duquel le réchauffement peut être considéré comme acceptable. En signant l’accord de Paris en 2015, le monde s’est engagé à limiter le réchauffement à +2°C par rapport à l’ère pré-industrielle, si possible +1,5°C. Désormais, le GIEC estime que dépasser +1,5°C pourrait déjà entraîner « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles ». Et selon l’Organisation météorologique mondiale, la probabilité que ce seuil de +1,5°C sur une année soit dépassé dès 2025 est déjà de 40%. Des épisodes de « canicules extrêmes » risquent de frapper 420 millions de personnes au-delà des 1,5°C, des pénuries d’eau également.
« Le pire est à venir »
Les centaines de scientifiques, rattachés au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, sont sans appel : « Le pire est à venir, avec des implications sur la vie de nos enfants et nos petits-enfants bien plus que sur la nôtre ». L’Asie du Sud et du Sud-Est, le golfe Persique, le golfe du Mexique, ou des parties du continent africain, sont les régions les plus exposées. Ceux qui subiront le plus les phénomènes météo dévastateurs sont, paradoxalement, ceux qui émettent le moins de CO2.
La prise de conscience sur la crise climatique n’a jamais été aussi étendue. Le climat a déjà changé. Alors que la hausse des températures moyennes depuis le milieu du XIXe siècle atteint 1,1°C, les effets sont déjà graves et seront de plus en plus violents, même si les émissions de CO2 sont freinées.
Et les êtres vivants – humains ou non – les moins à blâmer pour ces émissions sont, ironiquement, ceux qui en souffriront le plus. Pour certains animaux et variétés de plantes, il est peut-être même déjà trop tard : « Même à +1,5°C, les conditions de vie vont changer au-delà de la capacité de certains organismes à s’adapter », souligne le rapport, citant les récifs coralliens dont un demi-milliard de personnes dépendent.
Parmi les espèces en sursis figurent les animaux de l’Arctique, territoire qui se réchauffe trois fois plus vite que la moyenne. Sur place, des modes de vie ancestraux, de peuples vivant en lien étroit avec la glace pourraient aussi disparaître.
Agriculture, élevage, pêche, aquaculture… « Dans tous les systèmes de production alimentaire, les pertes soudaines s’accroissent », observe aussi le rapport, pointant les aléas climatiques comme « principal moteur ». Or l’humanité n’est à ce stade pas armée pour faire face à la dégradation certaine de la situation. « Les niveaux actuels d’adaptation seront insuffisants pour répondre aux futurs risques climatiques », prévient le GIEC. Même en limitant la hausse à 2°C, jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires auront faim d’ici à 2050 et 130 millions pourraient tomber dans la pauvreté extrême d’ici dix ans.
Le danger des effets en cascade
En 2050, des centaines de millions d’habitants de villes côtières seront menacés par des vagues-submersion plus fréquentes, provoquées par hausse du niveau de la mer, qui entraînera à son tour des migrations importantes. À +1,5°C, dans les villes, 350 millions d’habitants supplémentaires seront exposés aux pénuries d’eau, 400 millions à + 2°C. Et avec ce demi-degré supplémentaire, 420 millions de personnes de plus seront menacées par des canicules extrêmes.
Le texte souligne d’autre part le danger des effets en cascade. Certaines régions (est du Brésil, Asie du Sud-Est, Chine centrale) et presque toutes les zones côtières pourraient être frappées par trois ou quatre catastrophes météo simultanées, voire plus: canicule, sécheresse, cyclone, incendies, inondation, maladies transportées par les moustiques… Et il faut de surcroît prendre en compte les effets amplificateurs d’autres activités humaines néfastes pour la planète, note le rapport : destruction des habitats, surexploitation des ressources, pollution, propagation des maladies…
« Le monde fait face à des défis entremêlés complexes », commente ainsi Nicholas Stern, spécialiste de l’économie du climat, pas impliqué dans ce rapport. « À moins de les affronter en même temps, nous n’allons en relever aucun », estime-t-il.
Des pistes pour enrayer le changement climatique
Concrètement, parmi les pistes évoquées par les spécialistes pour enrayer le changement climatique, il y a par exemple, la restauration des mangroves et des forets sous marines de Kelp. Celles-ci permettent en effet d’accroître le stockage du carbone, de protéger contre les submersions, tout en préservant des espèces qui assurent dans le même temps, de la nourriture aux populations côtières.
Mais au-delà de cet exemple, le rapport insiste bien sur la nécessité d’une transformation radicale des processus et des comportements a tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement aussi bien sûr, tout en concluant qu’il y a urgence à redéfinir notre mode de vie et de consommation.
Chaque rapport du GIEC demande un travail colossal sur plusieurs années. "260 auteurs et des 1168 relecteurs" sont impliqués dans le processus, rappelle la co-présidente du GIEC Valérie Masson Delmotte, qui ajoute que plus de 40 000 commentaires seront pris en compte pour ajuster les conclusions. "Une version de travail qui va encore fortement évoluer", conclut le climatologue Christophe Cassou sur le réseau social Twitter. Une première partie du rapport, évaluant les bases physiques du changement climatique, doit être officiellement publiée le 9 août.
Pour défendre son action climatique, le gouvernement s’offre les services d’un cabinet de conseil international
Écrit par REPORTERRE
Pour évaluer les conséquences du projet de loi Climat sur les émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement a sollicité Boston Consulting Group, un cabinet de conseil en affaires avec le CAC40. Des députés et des syndicalistes s’inquiètent de potentiels conflits d’intérêts et se demandent pourquoi le Haut Conseil pour le climat n’a pas été mandaté.
À grand renfort de tableaux Excel et de budget carbone, la bataille des chiffres fait rage autour de la future loi Climat. Présenté hier en Conseil des ministres, le texte, qui reprend, au rabais, les propositions de la Convention citoyenne, n’est pas à la hauteur de son ambition. L’objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 n’est pas atteignable avec les mesures annoncées.
D’après l’étude d’impact du projet, entre la moitié et les deux tiers « du chemin », seulement, serait « sécurisé ». Et encore, cette évaluation est biaisée. Elle additionne au-delà du futur texte de loi, toutes les mesures déjà prises et mises en place par le gouvernement. Si l’on se concentre uniquement sur les articles du projet de loi climat, leurs effets se révèlent, en réalité, minimes. Le compte n’y est pas.
Le député Matthieu Orphelin a voulu le démontrer. L’ingénieur, qui a fait la majeure partie de sa carrière à l’Ademe, l’Agence de la transition écologique, a estimé que la loi, dans sa version actuelle, ne permettrait d’éviter que 13 millions de tonnes de CO2 par an (MtCO2), contre les 112 MtCO2/an visées. « En écartant sciemment les mesures les plus impactantes de la Convention citoyenne, le texte n’a qu’une portée symbolique », a-t-il regretté
Plusieurs avis sont venus appuyer son propos. Le 26 janvier dernier, le Conseil national de la transition écologique s’est inquiété « de la baisse insuffisante des émissions de gaz à effet de serre induite par cette loi ». Quant au Conseil économique social et environnemental, pas spécialement réputé pour le tranchant de ses prises de position, il a rendu un rapport incisif le 27 janvier dernier où il a souligné « les abus de langage » du gouvernement.
Le monde économique n’a pas besoin d’une régulation publique
Le 8 février, dans une lettre ouverte, publiée notamment sur Reporterre, 110 associations ont pris le relai et mis l’exécutif face à ses nouveaux engagements. Il y a quelques mois, la France, en accord avec ses partenaires européens, a revu à la hausse ses ambitions. Son objectif vise désormais à réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Mais comment va-t-elle y arriver si elle n’est pas capable de tendre déjà vers une diminution de 40 % à ce même horizon ?
Sous le feu des critiques, le gouvernement a tenté de contre-attaquer. Vu que la loi climat semble largement insuffisante, il a décidé de changer le périmètre des études. Il a souhaité évaluer les effets des mesures prises depuis le début du quinquennat, en 2017, en prenant en compte les autres lois déjà votées.
Pour ce faire, le ministère de la Transition écologique a commandé un rapport au cabinet de conseil Boston Consulting Group (BCG). BCG est une multinationale réputée dans le monde des affaires. 60 % de ses clients sont des entreprises du CAC 40. Parmi elles, on retrouve de grands groupes agroalimentaires comme Carrefour mais aussi le monde publicitaire. Le cabinet de conseil a également travaillé avec des organisations patronales, dont la première d’entre elles, le Medef. En 2019, il classait la firme de pesticides BASF comme « l’une des 50 entreprises les plus innovantes du monde » et à plusieurs reprises, ses consultants ont « affiné la stratégie » des constructeurs de voitures en conseillant notamment PFA, la plateforme qui rassemble la filière automobile en France. BCG est aussi un partenaire historique du secteur aérien. En 2016, il élaborait le nouveau plan d’Air France-KLM. D’ailleurs, le PDG actuel de HOP, une filiale d’Air France spécialisée notamment dans les vols courts, a travaillé pour BCG de 2000 à 2004.
Depuis des années, BCG participe à cette approche libérale et « probusiness ». Pour le cabinet de conseil, le développement durable viendra d’abord de « la rupture technologique » et de « l’innovation » plus que de la norme. Dans une étude récente sur la relance verte, il explique que les entreprises sont déjà à l’avant-garde de la transition écologique. Dans une autre note, où il promeut l’avion vert décarboné, il écrit clairement que « l’industrie doit garder son mot à dire sur son propre avenir, plutôt que de se laisser diriger par une décision réglementaire ».
« Ils sont au cœur de la nouvelle stratégie discursive des entreprises et du gouvernement, qui affirme que le monde économique n’a pas besoin d’une régulation publique », estime Clément Sénéchal, de Greenpeace.
Pourquoi donc le ministère s’est-il alors tourné vers cet acteur ? N’y voit-il aucun paradoxe ? Interrogé par Reporterre, un membre du cabinet de la ministre Barbara Pompili se veut rassurant. « BCG nous apporte des éléments intéressants sur la trajectoire bas carbone française. Son étude ne se substitue pas à d’autres organes, qui feront eux aussi leur évaluation. C’est une approche complémentaire, poursuit-il. On ne paye pas cette étude pour se prévaloir de bons résultats. »
Il n’empêche que ce rapport est, étonnamment, l’un des plus conciliants avec le gouvernement. Rendue publique le 10 février, l’étude conclut que les mesures prises seraient « globalement à la hauteur de l’objectif de 2030, sous réserve de leur exécution intégrale et volontariste ». La formule a été reprise par l’exécutif et citée abondamment par plusieurs médias, dont l’Agence France presse.
Une lecture plus détaillée montre pourtant que cette conclusion est un peu rapide et pas forcément cohérente avec le reste du rapport. Sur les 115 MtCO2/an à réduire, seule la baisse de 21 millions de tonnes « paraît probablement atteinte », tandis que 57 Mt « est possiblement atteint » et 29 Mt « semble difficilement atteignable », est-il écrit.
En situation de conflit d’intérêts
Pour la députée Delphine Batho, « le gouvernement s’est enorgueilli d’une phrase qui n’est même pas révélatrice de l’étude. C’est une stratégie de communication politique », dit-elle, avant de dénoncer « une situation complètement lunaire et inédite : la sollicitation de ce cabinet est choquante. BCG travaille pour moult clients qui n’ont aucun intérêt à la transformation écologique de la France ».
Avec plusieurs de ses collègues, la députée a interpellé l’exécutif dans une lettre. Pour eux, BCG serait « en situation de conflit d’intérêts » et n’aurait pas dû être mandaté par le ministère. « Pourquoi le gouvernement ne mobilise-t-il pas plutôt ses propres services ? c’est pourtant le rôle de l’administration. C’est eux qui ont l’expertise ! » défend la députée, jointe par Reporterre.
Plusieurs fonctionnaires syndicalistes ont aussi fait part de leur indignation. Sous Emmanuel Macron, le recours à des cabinets privés s’est largement accru. Récemment, BCG a d’ailleurs conseillé la politique sanitaire française face au Covid-19. Selon Bastamag, ses consultants ont accompagné et encouragé la réduction du nombre de personnels et la soumission de l’hôpital aux contraintes gestionnaires.
Les syndicats de la fonction publique CGT et FSU s’interrogent quant à eux sur le coût de cette étude, dont le montant n’a pas été révélé. « Alors que nous subissons des politiques d’austérité, des réductions de postes et de moyens, le gouvernement privilégie encore une fois le privé et externalise nos missions » , s’emporte Sébastien Hesse de la CGT.
Une incompréhension générale demeure. Pourquoi le Haut Conseil pour le climat n’a-t-il pas été mandaté ? C’est pourtant son rôle. Créée en 2018, cette instance consultative réunit nombre de climatologues et de scientifiques. Un consensus se dégage autour de son haut degré d’expertise et de sa neutralité.
Contacté par Reporterre, son directeur exécutif, Olivier Fontan, dit « n’avoir reçu aucun appel du gouvernement ».Ses rapports critiques envers les politiques d’Emmanuel Macron aurait-il dissuadé le gouvernement de le solliciter ? L’été dernier, le Haut Conseil pour le climat jugeait « marginale » et « insuffisante » l’action climatique du gouvernement. Cet automne, il alertait des conséquences environnementales de la 5 G.
Face au silence de l’exécutif, le Haut Conseil pour le climat a tout de même décidé de se saisir du projet de loi Climat. « Nous rendrons un avis d’ici les prochaines semaines », assure Olivier Fontan. Contrairement à celui du BCG, il n’est pas certain que cet avis soit conciliant.
Reporterre a cherché à contacter BCG, mais ce dernier a refusé tout entretien. « Nous n’avons pas de commentaires complémentaires à faire », a-t-il répondu par mail.
C’est maintenant que tout se joue…
La communauté scientifique ne cesse d’alerter sur le désastre environnemental qui s’accélère et s’aggrave, la population est de plus en plus préoccupée, et pourtant, le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons qu’il doit occuper une place centrale dans le traitement de l’actualité. Contrairement à de nombreux autres médias, nous avons fait des choix drastiques :
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L’accord UE-Mercosur plombe la lutte pour le climat
Écrit par Marc Web
Après 20 ans de négociations, l’accord entre l’UE et les pays latino-américains de Mercosur a été conclu le 28 juin à Bruxelles. Au grand dam des agriculteurs et des ONG environnementales.
Le président brésilien Jair Bolsonaro s’est accaparé la victoire, même si le début des négociations remonte à l’an 2000. L’accord signé avec l’Union européenne –dont aucune version officielle n’a été publiée- supprime en effet les barrières tarifaires d’un grand nombre de produits, dont le jus d’orange et les fruits, et favorise l’accès au marché européen du sucre, de l’éthanol, des volailles et du bœuf provenant des 4 pays du Mercorsur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay).
Contraire à la lutte climatique
«Cet accord aura des conséquences dévastatrices pour le climat. Alors que l’élevage constitue la principale source de déforestation dans ces pays, dont 80% de la déforestation au Brésil, ce texte permettra d’importer plus de bœuf grâce aux exonérations de taxes», déplore l’ONG Fern dans un communiqué. Une déforestation mauvaise pour le climat et génératrice de conflits croissants avec les communautés traditionnelles. Par ailleurs, l’agriculture brésilienne intensive émet d’importantes quantités de gaz à effet de serre.
«Je ne comprends pas qu’on puisse signer cet accord», a déclaré au Monde l’ancien ministre de la transition écologique Nicolas Hulot, qui a démissionné en août dernier. «Ce type de décision politique montre qu’on n’a aucune approche systémique, globale de la lutte climatique. Cet accord est complètement antinomique avec nos ambitions affichées», a-t-il poursuivi.
Sans contraintes juridiques
Si un chapitre est dédié au développement durable, celui-ci n’a en effet aucune valeur contraignante, contrairement aux dispositions touchant les barrières tarifaires. Si l’Union européenne a insisté pour que le respect de l’Accord de Paris soit mentionné, ceci n’aura aucun impact sur la politique brésilienne.
«Il serait naïf d’espérer que le gouvernement Bolsonaro fasse preuve de bonne volonté en matière de climat alors qu’il permet, depuis son élection, la déforestation de 450 hectares par jour d’Amazonie dans des zones pourtant protégées. C’est une bombe climatique mais aussi une injure aux libertés individuelles fondamentales des populations autochtones qui y vivent», a réagi le député Matthieu Orphelin (Maine-et-Loire, LREM).
Libre-échange et Mercosur au menu de la présidence allemande de l’UE
La reprise des négociations sur l’accord du Mercosur et la politique commerciale avec les États-Unis comptent parmi les priorités de la présidence allemande du Conseil de l’UE. Des sujets qui risquent d’exacerber les tensions.
Pesticides interdits en europe
L’autre inquiétude des ONG environnementales vise le recours aux pesticides. 74% des produits utilisés au Brésil sont interdits en Europe, selon la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Depuis l’arrivée au pouvoir de Bolsonaro, 240 molécules bannies du vieux continent ont été autorisées au Brésil.
Les agriculteurs en colère
Les agriculteurs ont, eux aussi, ont dit tout le mal qu’ils pensaient du texte. «Il est totalement déséquilibré» selon les agriculteurs allemands du Deutscher Bauernverband, «honteux» pour les agriculteurs irlandais et représente «une tromperie» pour la FNSEA en France. Pour les rassurer, le commissaire européen sortant à l’agriculture, Phil Hogan, a promis une aide financière allant jusqu’à un milliard d’euros «en cas de perturbation du marché».
Débats non clos
L’accord n’est toutefois pas encore adopté. La balle est désormais dans le camp du Parlement et du Conseil européen, qui doivent approuver l’accord. Ensuite, le texte doit être ratifié dans chaque Etat concerné, le plus souvent par l’intermédiaire d’un vote du Parlement national. «Il suffit qu’un Etat dise non pour le boquer complètement», note Samuel Leré, responsable du plaidoyer de la Fondation Nicolas Hulot (FNH). En France, la députée et porte-parole de LREM Aurore Bergé a déjà souligné «un problème de forme», dû à la signature par une Commission européenne sortante, alors qu’une nouvelle Commission doit bientôt être nommée. Le député et agriculteur Jean-Baptiste Moreau (également LREM) a aussi contesté «des importations de produits issus d’une des agricultures les plus nocives au monde avec celle des Etats-Unis».
Une longue série d’accords
L’accord entre l’UE et le Mercosur s’ajoute à une longue série d’accords commerciaux par l’Union européenne conclus au cours des derniers mois: le Ceta avec le Canada soumis au vote des députés français le 17 juillet- et des accords avec le Japon, Singapour et le Vietnam. «A chaque fois, la logique est la même face à la protection de l’environnement. Aucune disposition n’est contraignante»,
La forêt européenne a drastiquement rétréci au cours des dernières années
Écrit par Marc Web
Selon un rapport du Centre commun de recherche (JRC), l’Europe a perdu de nombreux hectares de forêts ces dernières années. En cause, la déforestation, qui réduit la capacité d’absorption du carbone du continent et accélère le changement climatique.
L’étude, menée par le JRC et publiée dans la revue Nature, a analysé une série de données satellitaires. Elle rappelle qu’environ 38 % des zones forestières de l’Union européenne sont exploitées par l’industrie du bois.
Les auteurs du rapport reconnaissent par conséquent que l’abattage des arbres constitue une activité habituelle dans ce domaine, mais ils soulignent qu’entre 2016 et 2018, l’« exploitation des zones forestières » a augmenté de 69 %. En comparaison, entre 2011 et 2015, ce chiffre s’élevait à 49 %.
L’aggravation du problème de la déforestation pourrait contrecarrer la stratégie de lutte contre le changement climatique des autorités communautaires, qui vise notamment à protéger les forêts au cours des prochaines années, préviennent les experts dans leur étude.
En Roumanie, le Don Quichotte de la forêt lutte contre l’abattage illégal
Les forêts roumaines, qui comptent parmi les plus vastes et les plus anciennes d’Europe, sont gravement menacées par l’exploitation illégale massive. Tiberiu Bosutar, un villageois du nord du pays, lutte sans relâche en traquant les mafieux du bois.
Les forêts européennes, de véritables « gouffres à carbone », éliminent environ 10 % du total des gaz à effet de serre émis au sein de l’UE, précisent-ils.
C’est pourquoi l’exploitation croissante des forêts représente une gageure pour le maintien de l’équilibre existant entre la demande en bois et la nécessité de préserver ces écosystèmes clés pour l’environnement.
Le principal auteur du rapport, Guido Ceccherini, a examiné avec ses collègues des données satellitaires à petite échelle, afin d’évaluer les changements qu’ont connus les bois et les forêts de 26 États membres entre 2004 et 2018.
Les scientifiques ont observé que le « rythme d’exploitation » se maintenait entre 2004 et 2015, pour ensuite s’accélérer brusquement entre 2016 et 2018 — notamment dans les pays dont l’économie dépend en partie d’activités liées aux forêts (comme la bioénergie ou l’industrie papetière).
La plus importante accélération de la déforestation, entre 2016 et 2018, a été enregistrée en Suède et en Finlande. C’est dans ces deux pays que l’on enregistre plus de 50 % de l’augmentation du déboisement en Europe.
Viennent ensuite l’Espagne, la Pologne, la France, la Lettonie, le Portugal et l’Estonie, qui totalisent à eux six à 30 % de la hausse, indique l’étude.
Les experts suggèrent de prendre en compte cette augmentation de l’abattage des arbres, et donc des émissions de carbone, avant de fixer de nouveaux objectifs climatiques.