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L’information d’EDF à l’ASN, le 21 octobre 2021, de la détection de fissures sur un circuit de refroidissement de secours du réacteur n°1 de la centrale de Civaux, puis de l’arrêt des trois autres réacteurs de 1500 MW de puissance électrique nette (palier N4 1 ) et du réacteur de Penly n°1 (1300 MW) pour le même motif, réduisant la capacité théorique du parc de 10% environ, suivis de la découverte des mêmes défauts sur un nombre important de réacteurs à l’occasion de leurs arrêts programmés, a plongé le monde des « observateurs » dans la sidération, la perte de production entraînée par cette décision étant la preuve même de la
gravité de cette découverte.
La cause de cette série de décisions, approuvée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), serait la découverte, confirmée par des contrôles plus approfondis, après découpage des portions de tuyaux incriminés, de fissures sur les soudures des tuyaux de circuits de refroidissement : circuit d’injection de sécurité (RIS) et circuit de refroidissement à l’arrêt (RRA) du fait d’une « corrosion sous contrainte (CSC) ».
Il apparaît tout d’abord que la « corrosion sous contrainte », citée à maintes reprises, est en fait un terme très vague qui peut s’appliquer à des phénomènes différents : « la corrosion sous contrainte se caractérise par la fissuration d’un matériau… les contraintes sont liées aux opérations de fabrication et en particulier aux opérations de soudage… ».
Le risque est sérieux : « Si les défauts détectés sur les soudures évoluent, ils peuvent provoquer une brèche sur le circuit principal de refroidissement du réacteur. Le risque est donc de générer une situation d’accident nucléaire ».
Ce qui explique et justifie l’arrêt par EDF des quatre réacteurs de 1500 MW, dès la découverte du phénomène.
Ce sont les lettres de l’ASN à EDF le 1er février, 24 février et 11 avril 2022 qui, progressivement, montrent l’ampleur et l’extension du problème : concentration sur la
question des soudages, contrôles sur les deux circuits de RIS et RRA sur tous les réacteurs et surtout « la confirmation de présence de corrosion sous contrainte sur une soudure recontrôlée doit conduire EDF à réinterroger la situation des autres soudures du réacteur ».
Enfin, on note, tant de la part de l’IRSN que de la part de l’ASN dans ses inspections, la préoccupation de la radioprotection des travailleurs intervenant sur les mesures de contrôle.
Tout cela, curieusement, sans aucune référence au passé, tant du point de vue de ce qui s’est passé à la fin des années 1990, que des nombreuses études et expérimentations.
En conclusion, le plus étonnant dans cette « affaire des fissures » est le fait qu’aucun des trois grands protagonistes de cette crise, EDF-Framatome, ASN et IRSN n’ait informé qu’une situation semblable de fissures dans le circuit RRA s’était déjà produite en 1998, attribuées à la fatigue thermique due aux conditions de mélange défavorable entre le fluide froid et le fluide chaud.
Et que, en 1999, 2000 et 2001, les tronçons de RRA sur tous les 58 réacteurs du parc ont été découpés et remplacés.
A l’image de ce qui s’est produit il y a vingt ans, il est donc probable qu’en 2022, l’ensemble des 56 réacteurs en fonctionnement soit concerné, à des degrés divers y compris ceux du palier 900 MW, ceux des paliers 1500 MW et 1300 MW ayant été déjà révélé après contrôle,la présence de fissures attribuées à une corrosion sous contrainte.
Alors que l’IRSN ne fait en 2022 qu’une brève allusion aux « études et recherches » sur la question de l’origine de ces fissures par corrosion sous contrainte, on s’aperçoit que ce phénomène a fait l’objet de travaux de recherche très importants depuis longtemps, non seulement de l’IRSN, mais également du CEA, de Framatome et d’EDF et que de nombreuses publications scientifiques (articles et thèses) lui ont été consacrées, dès les années 1970.
On comprend par cette revue scientifique que le phénomène métallurgique conduisant aux fissures est générique et touche l’ensemble du parc et se reproduit sur les zones de soudure des coudes du circuit d’injection de sécurité (RIS) et du circuit de refroidissement à l’arrêt (RRA), et peut-être sur d’autres circuits.
Il est trop tôt pour se prononcer car peu d’information est donnée sur le résultat des analyses réalisées sur les tronçons des tuyauteries de RIS et RRA qui ont été découpés dans ce but.
Mais il n’est pas certain que le découpage et le remplacement du tronçon concerné soient suffisants au regard du nombre de coudes et de soudures que comportent les circuits RRA et RIS.
En tout état de cause, si la vulnérabilité des 900 MW était confirmée, la question de l’allongement de la durée de fonctionnement de ces réacteurs au-delà de 40 ans devrait être réexaminée.
Il faudrait également examiner la possibilité que les réacteurs EPR de Flamanville, Olkiluoto et Taïshan, ainsi que ceux en construction à Hinkley Point, soient eux-
mêmes concernés, dans la mesure où ils ont été conçus sur la base du palier N4 de 1500 MW.
A l’image de ce qui s’est produit il y a vingt ans, il est donc probable qu’en 2022, l’ensemble des 56 réacteurs en fonctionnement soit concerné, à des degrés divers y compris ceux du palier 900 MW, ceux des paliers 1500 MW et 1300 MW ayant été déjà révélé après contrôle, la présence de fissures attribuées à une corrosion sous contrainte.
L’antériorité de ces problèmes de fissures est confirmée par ailleurs par l’occurrence aux Etats-Unis, en 1975, de la découverte de fissures sur les réacteurs à uranium enrichi et eau bouillante ayant entraîné l’arrêt immédiat des 27 réacteurs de la filière et la réparation de la plupart d’entre eux, sans que les causes de ce phénomène soient clairement identifiées.
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