Inaction climatique de la France !

Écrit par Marc Web
Publication : 2020-06-29 16:32:32

Le ministère de la transition écologique demande le rejet de la requête devant le tribunal administratif des quatre associations qui accusent la France d’inaction.

Changement climatique : l’Etat répond aux associations de « L’affaire du siècle »

Le ministère de la transition écologique demande le rejet de la requête devant le tribunal administratif des quatre associations qui accusent la France d’inaction.


Manifestation pour le climat organisée dans le sillage de la pétition en ligne « L’Affaire du siècle », à Lyon, en mars 2019.

L’Etat a pris son temps pour rédiger sa réponse et, sans surprise, elle ulcère les quatre ONG qui l’ont assigné, au printemps 2019, devant le tribunal administratif de Paris pour son inaction alléguée face aux changements climatiques.

Mardi 23 juin, à une poignée d’heures du délai limite, et après plus d’un an d’instruction de plein contentieux, le ministère de la transition écologique et solidaire a remis son mémoire en défense au nom de l’Etat dans le dossier – connu sous le nom de « L’affaire du siècle » –, qui l’oppose aux associations Notre affaire à tous, Fondation pour la nature et l’homme, Greenpeace France et Oxfam France.

Ce document de dix-huit pages – que Le Monde a pu consulter – réfute les arguments des ONG selon lesquels l’Etat méconnaîtrait « ses obligations générales de lutte contre le changement climatique et ses obligations spécifiques en matière d’atténuation et d’adaptation au changement climatique résultant de l’accord de Paris, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du droit de l’Union européenne et du droit national ». Et il sollicite du juge un rejet intégral de la requête.

Cette action en justice fait suite à la pétition en ligne « L’affaire du siècle », lancée le 18 décembre 2018 par les associations corequérantes. En trente-six heures, elle avait recueilli le nombre record pour la France d’un million de signatures, avant de dépasser la barre des deux millions, le 10 janvier 2019. Surfant sur cette mobilisation, suivie de près par le rejet, le 15 février 2019, par François de Rugy – alors ministre de l’écologie –, de leur demande préalable indemnitaire, les quatre associations ont déposé une requête devant le tribunal administratif en mars 2019.

« Préjudice écologique »

Cette action s’appuie sur le rapport du GIEC d’octobre 2018 et sur des textes nationaux ou internationaux dont la France est signataire. Elle demande aux juges d’enjoindre au gouvernement de « prendre toutes les mesures permettant d’atteindre les objectifs de la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de développement des énergies renouvelables et d’augmentation de l’efficacité énergétique (…) et d’assurer la protection de la vie et de la santé des citoyens contre les risques liés au changement climatique ».

Les ONG réclament en outre que l’Etat soit condamné à leur verser, à chacune, un euro symbolique en réparation du « préjudice moral subi en raison des carences de l’Etat », et un autre euro symbolique, au titre d’un « préjudice écologique ».

Le ministère – qui n’a pas répondu aux sollicitations du Monde – réplique que l’Etat n’a commis aucune faute et a respecté l’accord de Paris dans la mesure où celui-ci ne crée « pas de droit dont les particuliers pourraient directement se prévaloir ». 

Il argue qu’il s’est imposé des objectifs « plus ambitieux que ceux qui résultent » de ses engagements « européens et internationaux », et qu’en matière d’émissions de gaz à effet de serre, les données pour l’année 2020 présentent une « diminution significative de 4,2 % hors secteur des terres et forêts ».

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Concernant le respect du droit de l’Union européenne (UE), il souligne que la stratégie nationale bas carbone adoptée par la France en avril 2020 prévoit de dépasser l’objectif de l’UE avec une « réduction de l’émission des gaz à effet de serre de 40,2 % en 2030 », et ajoute qu’on ne peut reprocher à l’Etat de ne pas tenir des objectifs fixés à 2030.

Il maintient que les autorités ont pris des mesures propres à assurer le respect des budgets carbone grâce au cadre législatif et réglementaire récemment adopté. D’abord par la loi du 8 novembre 2019, relative à l’énergie et au climat, qui « inscrit la neutralité carbone de la France en 2050 dans la loi et prévoit une réduction de 40 %, contre 30 % précédemment, de la consommation d’énergies fossiles par rapport à 2012 d’ici à 2030 ».

L’Etat estime que le préjudice n’est pas établi

Puis, par la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 et son objectif de décarbonation complète des transports terrestres en 2050, « avec une trajectoire de – 37,5 % d’émissions de CO2 d’ici à 2030 et un objectif de fin de la vente de voitures utilisant des énergies fossiles carbonées d’ici à 2040 ». Et enfin, par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. L’Etat rappelle aussi qu’une « stratégie nationale bas carbone révisée » et une « nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie » ont été adoptées par décrets, le 21 avril 2020.

Selon lui, le lien de causalité entre la carence fautive dont on l’accuse et les préjudices invoqués par les associations n’est pas établi. « La France représente environ 1 % de la population mondiale et émet chaque année environ 1 % des gaz à effet de serre de la planète », argue-t-il. L’Etat français ne peut donc être tenu « seul responsable » du changement climatique en France.

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Le mémoire martèle que l’Etat n’est pas en capacité d’empêcher l’intégralité des émissions de gaz à effet de serre sur son territoire car « une part substantielle de cette pollution procède d’activités industrielles et agricoles », mais aussi de « choix et décisions individuels sur lesquels il n’est pas toujours possible d’influer ». Et il souligne que les particuliers, par leur « comportement », et les collectivités territoriales, « qui s’administrent librement », ont un rôle à jouer.

Il estime enfin que le préjudice moral n’est pas établi et rappelle que le préjudice écologique n’a jamais été appliqué devant la juridiction administrative. Il précise que, le cas échéant, le juge ne pourrait faire droit aux mesures sollicitées par la partie adverse que « partiellement », car certaines « relèvent du domaine de la loi ». Or, la juridiction n’est « pas compétente pour enjoindre au premier ministre de soumettre un projet de loi au Parlement ».

Clôture de l’instruction prévue, en principe, le 4 septembre

« Le gouvernement ne semble pas enclin à saisir les opportunités qui se présentent à lui pour rectifier la trajectoire de son inaction, dans un contexte qui appelle pourtant à agir, comme en témoignent certaines mesures fortes votées le week-end dernier par la convention citoyenne pour le climat, mesures pour la plupart réclamées par les organisations de la société civile depuis des années », ont déploré, le 25 juin, les quatre associations requérantes dans un communiqué.

Elles ajoutent que l’Etat omet de reconnaître « son rôle de régulateur et d’investisseur » dans la lutte contre le changement climatique.

Elles l’accusent de temporiser « sur ses objectifs fixés, y compris pour 2020, faisant valoir que la période pour les atteindre n’est pas encore écoulée », et de se prévaloir de mesures politiques récentes, dont certaines « adoptées après le dépôt du recours ».

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Cet épisode survient au moment où la Fédération nationale d’agriculture biologique et la Fondation Abbé Pierre ont décidé de soutenir les ONG à l’origine de la requête en déposant un « mémoire en intervention volontaire » visant respectivement à souligner les impacts des changements climatiques sur l’agriculture et le mal-logement.

Les avocats des associations requérantes déposeront dans les prochaines semaines un mémoire de réplique avant la clôture de l’instruction prévue, en principe, le 4 septembre. Quelle que soit la décision du tribunal administratif de Paris, qui pourrait intervenir fin 2020 ou courant 2021 dans cette médiatique « affaire du siècle », elle devrait faire l’objet d’un appel devant le Conseil d’Etat.

*Climat : les associations de l’« affaire du siècle » déposent un recours administratif contre l’Etat

Elles veulent faire reconnaître par le tribunal les obligations pesant sur la France dans la lutte contre le changement climatique.

Manifestation étudiante pour un changement des politiques climatiques mondiales, à Paris, le 22 février.

L’« affaire du siècle » sera débattue dans le prétoire du tribunal administratif de Paris. Après l’euphorie suscitée par les 2,1 millions de signatures de la pétition en ligne éponyme lancée au soutien de leur « demande préalable indemnitaire » du 17 décembre 2018 pour « inaction climatique » contre l’Etat, la Fondation Nicolas-Hulot pour la nature et l’homme, Greenpeace France, Notre affaire à tous et Oxfam France haussent le ton.

Jeudi 14 mars, les quatre associations lancent une procédure en déposant devant la juridiction un recours de plein contentieux. Elles attendent du juge administratif qu’il reconnaisse les obligations pesant sur l’Etat en matière de lutte contre le changement climatique, qu’il constate ses fautes et carences dans ce domaine, et – une fois que la preuve en sera apportée – qu’il enjoigne l’Etat à y mettre un terme.

Soucieux d’inscrire leur action dans la dynamique d’une semaine de mobilisation internationale jalonnée par la grève mondiale des lycéens pour le climat, vendredi 15 mars, et les marches pour le climat, samedi 16 mars, les ONG n’ont pour l’heure porté qu’une « requête sommaire » devant le tribunal administratif de Paris. Ce document d’une vingtaine de pages synthétise la teneur du mémoire complémentaire qui devrait enrichir, d’ici à un mois, une procédure qui promet d’éprouver leur endurance.

Faire œuvre de pédagogie

Ce passage à la vitesse supérieure leur a été imposé par un courrier du ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy. Le 15 février, ce dernier a rejeté au nom de l’Etat l’accusation de « carence fautive » adressée le 17 décembre 2018 au premier ministre Edouard Philippe ainsi qu’à douze membres du gouvernement.

Dans leur missive, les quatre organisations sommaient l’exécutif de prendre toutes les mesures urgentes permettant de rattraper le retard de la France en matière climatique, par rapport aux objectifs fixés. La fin de non-recevoir de François de Rugy était assortie d’un mémo d’une dizaine de pages listant les actions de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Le contentieux déclenché offre une occasion de faire œuvre de pédagogie. « Notre recours n’est pas une plainte contre le gouvernement, précise Me Clément Capdebos, avocat de Greenpeace France qui a participé à sa rédaction avec les conseils des trois autres ONG. Nous saisissons ici la juridiction administrative chargée de juger au quotidien les activités de l’administration française, donc de l’Etat. »

Avant de poursuivre : « Dans le cadre de sa mission de protection des personnes et de l’environnement, l’Etat est tenu par une obligation générale de lutte contre le changement climatique qui suppose, notamment, de prendre des mesures destinées à protéger les milieux naturels et, plus largement, de limiter, et si possible, éliminer, les dangers liés au changement climatique. Nous souhaitons que le juge la lui rappelle. »

Selon les ONG, l’Etat ne respecte pas ses objectifs

« L’Etat a aussi des obligations spécifiques en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre [GES], d’amélioration de l’efficacité énergétique, de développement des énergies renouvelables et de réduction des vulnérabilités causées par le changement climatique », renchérit Marine Fleury, enseignante-chercheuse en droit constitutionnel de l’environnement à l’université de La Rochelle, qui a contribué à l’élaboration du document.

Las, selon les quatre associations, l’Etat ne respecte pas les objectifs qui lui sont assignés et manque « de façon continue » à sa mission de protection de l’environnement et des citoyens.

Le recours demande donc que l’Etat soit contraint à prendre des mesures qui permettent de réduire les émissions de GES à un « niveau compatible avec l’objectif de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète sous le seuil de 1,5° C par rapport aux niveaux préindustriels [objectif renvoyant à l’accord de Paris sur le climat, conclu en décembre 2015, à l’issue de la COP21] » et, plus largement, toutes les dispositions nécessaires pour remplir les objectifs concernant les GES, les énergies renouvelables et l’adaptation au changement climatique. Sans oublier les mesures indispensables pour « assurer la protection de la vie et de la santé des citoyens » face aux risques connus liés au changement climatique.

Pour étayer leur requête, les ONG réunies dans l’« affaire du siècle » s’appuient principalement sur le dernier rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). Rendu public le 8 octobre 2018, il fournit les données scientifiques les plus récentes en matière de changement climatique.

Reconnaissance du préjudice écologique

Les associations se fondent aussi sur des documents dont la France est signataire et qui devraient logiquement guider son action en matière de lutte contre changement climatique : des textes constitutionnels dont la Charte de l’environnement promulguée en 2005, des textes européens comme des directives et la Convention européenne des droits de l’homme, et une somme de textes internationaux – tels que la Convention-cadre des Nations unies de 1992 et l’accord de Paris de 2015 – sans effet direct en droit français mais qui permettent de comprendre les obligations de l’Etat.

Dans le cadre de ce recours qui vise dans son ensemble la carence de l’Etat dans la
lutte contre le changement climatique, les ONG se sont également enhardies à demander la reconnaissance du préjudice écologique. Une notion épineuse qui figure dans le code civil mais n’a encore jamais été reconnue par le juge administratif.

Mais les quatre associations devront s’armer de patience. L’instruction du dossier devrait durer un an et demi à deux ans. Au terme de cette période d’échanges entre les parties, le juge administratif fixera une date d’audience. Sa décision devrait intervenir en 2020 ou 2021, avant un éventuel appel.

 

 

source Le monde, blog Jsheffer81

 

en pièce jointe le bilan macron-climat étude réalisée le 10 janvier 2020 par le Réseau Action-Climat